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Carla Bianchi en pleine dolce Francia

  • Aurélie Benoit
  • 29 sept. 2019
  • 4 min de lecture

Dernière mise à jour : 17 nov. 2019


L’humoriste italienne évoque la migration et l’intégration sur scène avec un humour qui prend le contre pied au discours houleux de l’époque. Portrait.



« En France, je suis une migrante économique ». Le ton est de suite donné. Cet aveu mi-comique mi-provoc’ est à l’image du show de la Romaine de 37 ans, Un amour de la France à la sauce italienne. Depuis plus d’un an au théâtre Apollo, Carla Bianchi s’amuse de son quotidien dans un pays d’accueil qu’elle adore détester. Avec un accent à couper au couteau, elle débite ses déboires d’immigrée dans la capitale. Aujourd’hui, à la terrasse du troquet parisien Chez Coquille (XIIe), elle passe presque pour une véritable locale, robe à fleurs et carré d’été.


Carla Bianchi fait de cette dualité franco-italienne son fonds de commerce. A contre-courant des débats houleux sur la question migratoire, elle préfère la voie de l’humour et puise dans sa propre expérience. Son premier spectacle en 2013, Carla o il amore, contait son installation dans la capitale. Aujourd’hui, elle parle de son intégration sur les conseils de son metteur en scène Alain Degois alias « Papy », le découvreur de Jamel. Avec celui qui produit également Un américain à Paris du comique New-yorkais Sébastien Marx, le thème est clair : la découverte des us et coutumes français à travers les yeux d’un étranger. La politique, la mode ou encore la nourriture… Pendant une heure, tout y passe.  Digne fille d’une professeure de sciences, elle distille quelques conseils à son public, notamment quand elle « éduque » les Français sur la vraie recette des carbonara.$


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Pour tester ses blagues, l’italienne s’appuie sur son cercle d’amis, Français comme Italiens. Essayer, travailler, retoucher et essayer encore. Pour sa meilleure amie Clarisse, l’humoriste est aussi  « persévérante que culottée ». Arrivée dans l’humour par hasard, Carla reste avant tout « une comédienne, une actrice ». Adolescente, elle s’inscrit à des cours de théâtre avant d’intégrer l’Ecole nationale de cinéma de Rome. Pour elle, pas question d’évoluer dans le monde de la finance ou l’ingénierie comme ses grandes sœurs. La jeune fille rêve de cinéma. Là voilà primée au Festival de Venise dès son premier long métrage dans «La   vita é breve ma la giornata é lunghissima».


Une amoureuse de Paris


En 2013, elle est castée pour le téléfilm historique, « La Reine et le Cardinal » coproduit par France 2 et la Rai. Sa ressemblance physique avec le premier amour du roi Soleil convainc les producteurs… son accent un peu moins. Elle prend un mois de cours pour parfaire sa prononciation, décroche le rôle mais sera doublée au montage. « Une déception » concède-t-elle. Grâce au tournage, Carla retrouve la France et surtout Paris, sa ville de cœur. Elle était tombée sous le charme de la capitale dès l’enfance, se perdant en pleine station Chatelet. « Mon premier contact avec la langue française » se rappelle-t-elle, les yeux encore émerveillés.


De retour en Italie, les effets de la crise se font sentir sur l’industrie cinématographique. Pour la jeune trentenaire, les rôles sont rares. Galvanisée par son expérience francophone, elle plie bagages et débarque à Paris, « sans appart, sans boulot » mais avec la conviction de réussir.

Elle débarque à Paris en 2014, « sans appart, sans boulot » mais avec la conviction de réussir.

Rapidement, la capitale lui offre l’amour avec Antoine – un ingénieur, comme son père - et le gîte… Mais le succès n’est pas au rendez-vous. Alors, entre deux castings, l’italienne endosse les rôles de serveuse, nounou, étudiante (en master d’art thérapie) et de professeure d’italien. Un jour, ses élèves lui font remarquer qu’elle a de l’humour. Il ne lui en faut pas plus. En quelques mois, elle monte un spectacle avec un ami italien. L’expérience est concluante et c’est dans la cave de la Flaque, rue Quicampoix, qu’elle rencontrera son mentor actuel. « Je suis habituée à la scène mais le soir où « Papy » est venu me voir, j’étais vraiment stressée», admet-elle, se touchant un nez déjà rougi à force de frottements.


Une touche-à-tout hyperactive


Le metteur en scène a été séduit par la « formidable énergie » de cette artiste aussi mobile sur les planches que dans la vie. Pour soigner son anxiété, cette fan de Roberto Benigni enchaîne les projets avec la scène, le rire, l’écriture, la lecture… Récemment, elle s’est rendue à Milan pour mettre en scène le spectacle d’une amie. En ce moment, elle intervient dans une émission de radio ou des Européens évoquent leur vie parisienne. La jeune femme « a toujours quelque chose en tête » avoue son compagnon. En dehors de la scène, ses exutoires sont le bouddhisme de Nichiren, la natation et “ les plats italiens, évidemment”.


A travers son écriture, l’artiste veut raconter un Paris trop peu visible.  « Dans mon immeuble, il y a deux Argentins, des Chinois, des Italiens… On ne voit jamais cela dans les films». La jeune femme touille frénétiquement son jus fraicheur concombre-pomme-gingembre. Pour son prochain spectacle, prévu à la rentrée 2018, Carla Bianchi délaisse sa propre histoire pour interroger plus largement le sujet de l’accueil en Europe. Un thème qu’elle creuse en profondeur, quitte à passer ses journées d’été à la bibliothèque du quartier, et à prendre comme livre de chevet La fin de l’hospitalité de Guillaume Le Blanc et Fabienne Brugère. Mais la théorie ne suffit pas et elle se rendra fin août en Sicile dans un camp de migrants. D’âme pédagogue, elle en profitera pour leur donner des cours d’art dramatique.


Après cinq ans dans la peau d’une Parisienne et trois spectacles, la question de l’Autre reste une source d’inspiration inépuisable pour Carla Bianchi. Française ou Italienne, la question n’est pas tranchée. « Son pays natal lui manque » confie son entourage. En mars dernier, elle a voté aux élections législatives et s’est désolée face à la montée de la Ligue du Nord. Mais l’humoriste temporise et voit le positif : « Au moins, les gens connaissent Matteo Salvani maintenant ». Aujourd’hui, elle demande la nationalité française pour participer « pleinement » à la vie politique de son pays d’accueil. En attendant, elle fête la victoire des Bleus comme une locale et se jette dans la fontaine de Picpus au coup de sifflet final le 15 juillet dernier… La « migrante économique » semble fin prête à vivre la dolce Francia.



 
 
 

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